Naturalised

Comme si par le choix d’une préséance du contournement sur l’approche frontale – de l’attaque transverse sur l’assaut brutal – le message avait plus de chances de toucher sa cible, Arnaud Meyer préfère à la dénonciation bruyante et outragée le feutré du constat et de la métaphore. La démarche est simple, sans fioritures et dépourvue de toute volonté de monumentalisation de l’œuvre plastique, dont on pressent rapidement que l’esthétique soignée est avant tout mise au service d’un devoir de mémoire : mémoire d’espèces éteintes ou menacées, mémoire de ces agissements humains aussi, qui décennies après décennies entraînent l’inéluctable appauvrissement de nos écosystèmes. La confrontation d’avec ces animaux-totems, témoins d’un autre temps, d’un autre rapport à la terre et aux êtres, provoque l’inconfort : la fixité de ces regards sauvages, l’immobilisme paisible et compréhensif de ces corps à l’arrêt se fait peu à peu accusation criante.

Leur simple présence, dans ce qu’elle a de plus univoque et placide, entraîne chez le regardeur un embarras tel que l’on en viendrait presque à souhaiter qu’ils se mettent tout à coup à s’animer, qu’ils se décident à briser enfin ce silence gênant et autarcique qui peu à peu nous enveloppe de son voile opaque et incriminateur. Le travail photographique sous-jacent n’est sans doute pas étranger au déploiement de ce sentiment de malaise : travaillées dans le noir le plus total, à l’aide d’une simple lampe torche, ces photographies d’animaux empaillés ont obligé leur auteur à s’immerger totalement dans l’univers de ses sujets, aussi bien temporellement que spatialement. Une confrontation physique donc, un combat d’égal à égal avec l’animal qui donne une force spectaculaire aux images de la série.